Lundi 31 janvier. Sur le lycée français de Rabat.

Publié le par Paul-Marie Coûteaux

Sur le lycée français de Rabat, nommé Lycée Descartes, à côté duquel nous sommes, dominant le quartier Agdal (en berbère : le verger), vieille et vénérable institution de l'univers rabati, j'apprends beaucoup de choses grâce aux enfants qui en reviennent chaque jour avec des informations étonnantes. Ils m'y ont d'ailleurs conduit l'autre jour, à l'occasion d'une "conférence", si l'on peut dire, du vieux coureur Alain Mimoum, invité d'honneur du

marathon de Marrakech, et m'en ont fait à cette occasion les honneurs.


On ne peut pas dire qu'il soit flamboyant, le lycée français (il y en a six dans le Royaume), mais il est immense : deux mille deux cents élèves, si j'ai bien compris; encore refuse-t-on du monde. Voilà bien, dans notre politique, ce qu'il faut protéger et développer en priorité, des lycées français, dont l'action serait à prolonger par des universités françaises, ou franco-marocaines -les universités du cru sont en piteux état. Cela me paraît d 'autant plus simple à réaliser que les familles cossues du pays sont prêtes à payer de sommes phénoménales pour scolariser les enfants dans le système français. (à Descartes, Les frais de scolarité annuels s'élèvent à 3000 euros pour les enfants français, près du double pour les autres -Européens, Africains et Marocains, lesquels sont en nette majorité).


Mais tout est trop petit, replié et contrarié, et les efforts de la France sont là comme ailleurs gâchés par les Français, en l'occurrence les professeurs, dont les grèves se multiplient pour un oui ou un non, et les absences non moins. Surtout, l'enseignement m'a l'air, à ce que relatent les enfants, follement idéologique. Hier, C., qui n'a pas 16 ans, rentrait à la maison avec un étrange devoir à faire : il s'agissait de rédiger à l'intention de l'ambassadeur d'Iran au Maroc une lettre de protestation contre le sort réservé à je ne sais quelle jeune femme iranienne condamnée pour adultère par un tribunal de Téhéran -la meilleure lettre sera envoyée à l'ambassadeur ! Outre qu'il me paraît dangereux de demander à des enfants de statuer sur un sujet si sensible sans nullement connaître le contexte, et encore moins le dossier juridique, et sans entendre nullement les autorités auxquelles ils sont priés de donner des leçons, je ne vois pas qu'il soit raisonnable, pour le lycée français, d'interférer ainsi dans les relations entre le Maroc et l'Iran. Ces Etats sont souverains et, là comme ailleurs, nos bonnes âmes sans âme se comportent comme en terrain conquis; pour ces bons esprits prétendument anti-colonialistes, on est partout chez soi… Quant à enrégimenter ainsi les enfants en les apitoyant, c'est tout aussi criminel -en ce que le crime vient souvent de l'oubli des limites, de toute limite, la limite politique qu'est la sage frontière d'abord, mais aussi la limite entre enfance et age adulte, entre éducation et politique, entre actualité et histoire, puisque ce travail est donné par… le professeur d'histoire.


A propos d'enseignement de l'Histoire J., qui est en clase de seconde, me dit littéralement ceci : "cette année, en histoire, on fait encore le nazisme et la shoah"; la phrase se suffit à elle-même, je pense.

Publié dans Extraits du journal

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