Semaine 31 (du 1er au 7 août)

Publié le par Paul-Marie Coûteaux

Lundi 1er août deux mil onze; Mirebeau. Hier sommes allés à l'abbaye de Fongombault -nous, je veux dire ma mère ainsi que les adorables MJS et CTS. Nous y retrouvâmes les PSR venus de leur Creuse profonde. Peccato, peccato! La grand messe, où, avec l'autorité que vous donne le jour de votre anniversaire, j'avais malencontreusement insisté pour attirer tout ce beau monde, fut fort contrariante, tant il y avait de monde -du beau monde certes, tout le genre que l'on aime, familles nombreuses, parents et enfants bien mis, tout ce qu'il faut…; mais justement beaucoup d'enfants, en sorte que je n'ai à peu près pas pu retrouver plus de deux minutes d'affilée le recueillement qui  me vient d'un coup dès que je pénètre dans cette nef majestueuse, pour moi magique, au cours de mes retraites -surtout quand je m'y trouve seul, du moins seul avec les moines, seul avec le chant, comme il m'est arrivé plusieurs fois pour mâtines; ou que nous ne sommes que quelques hôtes sous ces voûtes éperdues et sereines. Cette fois, les piailleries des enfants, qui, pour moi, rendent toujours les messes insupportables, ont vraiment tout gâché… Vivement l'hiver et ses réclusions.

Puis, par la belle route de la Brenne, puis Angles, les vallées de l'Anglin et de la Gartempe, enfin Châtellerault, tout le monde est venu déjeuner ici. Tout à fait ambiance "dimanche à la campagne"…

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Mercredi 3 août deux mil onze. Mirebeau-la-pagaille. - Je m'avise que, mis à part la première, toutes les fins de semaine du mois de juillet furent occupées (c'est bien le mot, et même le moindre) par des visites; à quoi s'ajoutent les déjeuners ou dîners d'amis qui "passent", toujours très aimablement d'ailleurs, mais qui me dévorent les entrailles, c'est à dire mon temps. Or, je ne sais pas recevoir simplement, et même si je me décide à mettre pour tel ou tel "les petits plats dans les grands",  il faut tout de même confectionner lesdits petits plats, et sortir les grands aux fins d'agréable présentation : ce n'est plus, depuis un mois, qu'une valse de plats, grands et petits, conséquemment de courses (si mal nommées à Mirebeau où l'on traîne fort chez les commerçants, en  sorte que les queues s'allongent dans des proportions couramment exaspérantes), de téléphonages pour coordonner l'ensemble, établir entre les uns et les autres une sorte de programme, sans parler des changements de draps, des lessives et autres tâches domestiques entre lesquelles Palmyre, quand elle est là, se perd un peu.

Il suit de tout cela une fatigue d'autant accablante qu'il fait chaud, et que je ne parviens à guérir la troisième ou quatrième angine de l'année, que d'ailleurs je traîne depuis plus d'un mois, le tout claquemuré derrière force sourires pour la galerie, puisqu'il doit être entendu que la maison est belle, que l'on est heureux de se voir et que tout va bien. Si l'on ajoute les autres activités plus ou moins politicaillantes, les courriers et les terribles téléphonages afférents, ainsi que la rédaction plus ou moins quotidienne de ce journal, il ne reste pour écrire que peu de temps,  deux ou trois heures, au mieux, de toute façon pas assez pour être concentré sur un livre. Et rien n'est prêt, rien ne sera prêt à la fin de ce mois comme je le voulais tant.


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Jeudi 4 août deux mil onze. Mirebeau. - Les noisettes sont abondantes cette saison, et arrivent d'ailleurs fort en avance, comme tout ici après les fortes chaleurs du printemps; j'en ai cueilli tant aujourd'hui qu'elles ont suffi à mon dîner, accompagnées des deux premières tomates du jardin. Est-ce la fatigue que me vaut la persistante angine? Je suis saisi cet été d'une sorte de délire de sobriété et de silence, manière monastique, me couche tôt, m'indiffère de tout…

Pensé toute la journée à ceci : que peut devenir un monde qui n'a pas d'autre valeurs que les valeurs dans le sens financier, et quand celles-ci mêmes en perdent chaque jour, sous toutes leurs formes ?


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Vendredi 5 août deux mil onze; fatigue extrême -il faut aller ce soir chercher E. à la gare, et dissimuler ma fièvre, car nous partons sur les routes du sud lundi, pour gagner en deux jours Cavalaire. Comment vais-je faire?

N'ai plus la force de noter ici que ce bout de phrase de Richelieu qui sert d'exergue aux Mémoires de Michel Debré: "comme le zèle que j'ai toujours eu pour l'avantage de la France a fait mes plus solides contentements…"

Publié dans Extraits du journal

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