Semaine 22 /2011 (du 30 mai au 6 juin)

Publié le par Paul-Marie Coûteaux

Lundi 30 mai deux mil onze. - Patatras, l'olivier livré la semaine dernière et que, ce matin, deux gaillards sont venus m'aider à passer par la fenêtre, leur parait décidément trop large - et surtout, je crois trop lourd. Il faudrait passer par une autre rue et le hisser à l'aide d'un monte-charge, mais je ne suis guère disposé à tant de complications. Du coup, il restera dans le premier jardin, plié en son milieu, au milieu des graviers, à mi-chemin de la petite maison et de la maison principale, ce qui est loin d'être la place envisagée. Marie-Joséphine, et les supposés gaillards, sont  d'avis qu'il y fait bonne impression - ce qui n'est pas du tout le mien. A moins de l'entourer d'une margelle ? Mais comment faire construire  une margelle dans l'impécuniosité actuelle ?

Achevé tout à l'heure les passionnants Mémoires de Jacques Foccart ("Tous les soirs avec de Gaulle", éd.  Fayard/ Jeune Afrique). Il  y a certes, dans ces pages, bien trop de plaidoyers pro domo, excusables chez un homme que l'on a tant et si injustement attaqué; mais je fus captivé de bout en bout -si le fus un peu moins par ses entretiens avec  Philippe Gaillard, "Foccart Parle", lus en parallèle. Il y a chez Foccart une sorte d'archéologie du gaullisme en action, du gaullisme guerrier, conforme à l'affirmation plusieurs fois répétée chez de Gaulle, que le service du Bien public prime sur le service du droit. Qu'il s'agisse d'Afrique, de politique étrangère, de politique intérieure, tout est référé à l'efficacité, qui suppose que s'impose en toute circonstance le souci du bien de la Nation - laquelle le condamne sans avoir jamais mesuré les services que de tels hommes, je veux dire les gaullistes guerriers, lui ont rendus. Qui aura compté ce que d'innombrables  entreprises françaises doivent, encore aujourd'hui, aux liens (ce que l'on a nommé bêtement des "réseaux") tissés en Afrique dans les premières décennies de la Vème République, sans quoi beaucoup d'entre elles n'auraient pu se développer, ni même survivre, laissant de précieux marchés aux "anglo-saxons" que l'on voit partout à l'œuvre, et sans scrupule, pour déstabiliser les gouvernements ou éliminer les personnalités proches de la France - cela commença dès les débuts de la guerre; en somme, les Etats-Unis (dans une moindre mesure la Grande-Bretagne), et la  France se sont fait la guerre pendant des décennies en Afrique (notamment en Afrique, mais le livre reste à écrire de la guerre que l'Angleterre et les Etats-Unis mènent à la France depuis plus de deux siècles); c'est à une poignée d'hommes de la trempe de Foccart que nous devons d'avoir longtemps tenu bon, non sans avantages d'ailleurs pour les pays francophones (puis lusophones) du continent.

Où l'on voit que l'action politique s'apparente de toutes façons à la guerre - il faut croire que le Général avait deviné en Foccart un soldat au long cours, puisqu'il en fit dans l'ombre son plus constant collaborateur, cela depuis les premiers âges du RPF, jusqu'aux derniers jours de l'Elysée - le plus constant et l'un des plus proches même, puisque la règle était que le Général finisse chaque journée par une entrevue avec son "conseiller spécial". Les gaullistes de profession n'ont cessé de minimiser son rôle, sans doute parce que la posture guerrière du personnage gênait leur mondanité : ils étaient bien plus souvent occupés à d'autres jeux… Pourtant c'est Foccart que de Gaulle met à la tête du RPF, après Terrenoire - il le restera jusqu'à sa mort; c'est à lui qu'il confie les missions les plus délicates, y compris en période électorale, missions sans lesquelles de Gaulle, en butte à tant d'oligarchies coalisées, n'aurait pas pu conduire le pays comme il le fit onze années durant. Il n'est pas jusqu'à ses actions les plus secrètes, ou les plus grises, qu'il s'agisse de son rôle à la tête du SAC ou de ses liens avec les services de renseignements qui paraissent avoir été au plus haut point précieux, n'en déplaise aux effarouchés et autres absolutistes de la transparence  -et d'ailleurs, je vois bien que la restauration desdits "services" devrait être l'une de premières priorités de quiconque entreprendrait de redresser notre pays. De Gaulle, qui, dès les premiers jours de Londres, fit du BCRA une priorité, veilla toujours sur cet aspect de l'action politique, dont les gaullistes se sont détourné en se pinçant le nez : c'est tout un pan de mon personnage qui m'est restitué par l'indispensable Foccart, non le moins admirable.

 

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Mardi 31 mai deux mil onze. Mirebeau. - Tout à coup, il fait frais; mais toujours pas de pluie; il faut donc  consacrer une bonne demi-heure, chaque soir, à arroser alternativement un jardin puis l'autre, car tout a soif, et il n'y a guère que le coin réservé aux simples qui survive : sauge et sarriette prolifèrent toutes seules; mais il faut arroser constamment le persil, qui heureusement garde bonne mine, et dont je fais ces jours-ci grande consommation - conformément à ma neuve diététique : remplacer les graisses et le sel par des épices et des herbes.  Mais comme le manque d'eau attriste l'atmosphère! Tout le village s'inquiète à l'idée que suive un été de plomb.

Quant à la grande affaire de l'olivier, elle est en voie de solution : je suis retourné chez le pépiniériste et ai obtenu de l'échanger contre un autre, à peine plus petit, mais surtout plus étroit… Cet olivier, dit "n°2", qui m'a finalement paru plus beau que le premier, nous arrive demain matin. Pour lui, ai demandé au jardinier un grand trou au bord de la terrasse: pourvu qu'il parvienne à son port !

Foccart suite : explorant la "face cachée du gaullisme", pour moi l'une des plus belles; je regarde ces jours-ci, grâce à l'admirable Ch. T. S. qui les a enregistrées pour moi, la série d'émissions que France Télévision a consacrées aux services secrets français, et qui fut diffusée en mars. On voit bien l'importance que de Gaulle leur a accordés, point constamment passé sous silence par la succession de ses biographes, à peine mentionnent-ils le rôle du BCRA, qui eut d'autant moins l'heur de leur plaire qu'il fut dirigé par un ancien cagoulard, Passy, homme de droite de la plus belle race, et par Rémy, monarchiste militant… Il en recueillit maint avis, tandis que les successeurs se sont ingéniés à les réduire : Pompidou nomma pour ce faire l'affreux Alexandre de Marenches, qui avait pour principale mission, dit-il, de mettre un couvercle sur cette marmite  et qu'il démantela (en 1970, une centaine de ses cadres furent virés en quelques jours); au passage on apprend de la bouche du général Pichot-Duclos qu'il aurait ajouté : "j'ai bien assez des renseignements avec mes banquiers", ce qui en dit long sur le basculement de l'Etat qui s'opéra dans ces années-là. Chirac premier ministre démantela, lui, la DST. Giscard garda Marenches et supprima à peu près tout (y compris le service que Foccart dirigeait depuis quinze ans à l'Elysée), agissant bien souvent à l'aveuglette - notamment en Afrique, où tant d'interventions militaires furent malheureuses, justement parce que les liens personnels s'étaient relâchés. Sur tout cela, beaucoup à dire, que j'écrirai. Pris de nombreuses notes.

Ai expédié ce soir, après force réflexions et consultations, une longue lettre à MLP, aux fins de mise au point sur le thème "allié n'est pas rallié" - si vous voulez bien d'une alliance, chère Marine, etc. Sinon, et si décidément amis et adversaires persistent à confondre l'un et l'autre terme, je suis tout à fait décidé à tirer mon rideau. Advienne que pourra.
                           
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Mercredi 1er juin deux mil onze. Mirebeau. - Victoire ! Ce matin, l'olivier n°2 est passé assez facilement par la fenêtre. Il est dûment mis en pleine terre, et fait grande impression. Je multiplie les soins, les engrais, et les mots de bienvenue. (Me suis demandé, en passant, pourquoi l'on parle spontanément à certains animaux, tels les chats, les chiens, les oiseaux quelquefois, et point à d'autres (fourmis, rongeurs, grenouilles…); ou bien à certains arbres, oliviers ou chênes,  et point à d'autres, ormes, saules, ou poiriers… Mystère des autres mondes.) Quoi qu'il en soit, ce fier olivier et moi, nous sommes déjà dans les meilleurs termes…

Obsessionnel intérêt de l'époque pour les affaires du corps; le corps, dont le souci fut longtemps refoulé, ou du moins contenu et discipliné par la religion chrétienne (merveilleuse en cela aussi), a désormais envahi les esprits, les conversations, et désormais la vie publique. De quels sujets traitent nos contemporains lorsqu'ils causent ? A titre principal de leur santé, en général mauvaise ; de l'art de bien dormir, en prenant ou en ne prenant pas de médicaments; de l'éternelle question de l'alimentation, des régimes, du bio et du pas bio, du il faut et il ne faut pas -alors qu'ils se nourrissent fort mal, y compris la plupart des militants de la diététique; conséquemment des cures de ceci ou de cela, des exercices physiques, des sports qui font tant de bien, et de la sacro-sainte "gym" - quand ce n'est pas, bien entendu, l'une des mille et une façons d'évoquer la non moins omniprésente question sexuelle, en ses multiples facettes, point toujours renouvelées… Ira-t-on s'étonner, après cela, que nos purs sangs politiques, et, plus largement, les diverses oligarchies du jour, à la fois saturés de fric et de tentations, et nourries au lait libertaire qui coule à flots depuis plus de trente ans, glissent dans ce qui s'appelait jadis le stupre et la fornication - dont, après les épisodes DSK et Tron, une nouvelle affaire, lancée aujourd'hui par l'étonnant Luc Ferry, révèle qu'ils sont plus étendus encore que ne le soupçonnait le bon peuple. Je réfléchis souvent à la question depuis plusieurs jours et ne sais plus si je dois m'en tenir à ma bonne vieille règle, en vertu de laquelle les questions morales ne sont pas des questions politiques, et qu'il faut conséquemment taire lesdites "affaires". Mais je crains bien que, au milieu de tant d'aventures si propices aux nombreux commerces de l'information, la traditionnelle règle française du secret vole en éclats - c'est déjà fait, s'agissant du secret de l'instruction, plus précieuse que la présomption d'innocence dont tout le monde se gargarise mais qui, dans l'univers hyper-médiatique, ne sert à rien. Un monde où n'importe qui, coupable ou pas, peut être livré en pâture aux caméras, un monde où quiconque est attaqué est aussitôt suspect et sali, sera un monde invivable.

Pourtant, comment ne pas voir aussi que l'on ne peut servir la nation dans cette dispersion générale des mœurs et des genres de vie, et qu'il n'est de service politique véritable sans une morale tant soit peu sanglée ? La solution est simple : il faut parier que le peuple sent la chose, et sait distinguer tôt ou tard  les dévoués et les dévoyés. Quoi qu'il arrive, ne pas dire : rien n'est pire que l'ambiance de transparence et de déballage dans laquelle s'engage ces jours-ci ce monde à la fois prude et licencieux, c'est à dire hypocrite à ce degré insupportable que j'ai tant vu aux Etats-Unis…

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Jeudi de l'Ascension, 2 juin deux mil onze. - Hier, joli dîner sur la terrasse avec PL, Laurence et Marc D., Madame Poupard et Monsieur le Doyen, très en forme; en somme, une sorte d'assemblée générale du quartier, chacun étant voisin des autres. Je m'émerveille une fois de plus de l'agrément de tout ce voisinage. Tout le monde est charmant, la conversation roule sur les sujets du jour, les mirebalais comme les nationaux. A quoi s'ajoute, oserais-je le dire ?, la très grande beauté de la terrasse dont le projet, tel que je l'ai imaginé il y a plusieurs années, est parachevé depuis hier, grâce à l'arrivée du susdit olivier. A contempler les degrés de la terrasse (dont, certes, j'imagine encore un prolongement, mais qui attendra le rétablissement de mes finances), les douces lumières éclairant la fontaine, le gros pot portant beau le citronnier (qui, placé contre le mur de pierre qui l'abrite et lui rend dans les beaux soirs la chaleur du jour, prospère en silence), à regarder les lauriers roses tout en fleurs, les trois cyprès ponctuant la façade, les deux oliviers frêles et, désormais, le plus âgé, décidément indispensable, à orner les tables de belles nappes, de belles assiettes bleues et de bouquets de roses, je m'émerveille en secret de ma réussite. Et me demande par quel malheur l'aménagement de ce petit prieuré et de ses jardins concentre à peu près toutes mes pensées, toutes mes énergies et tant de mon temps - exécrable vanité petite bourgeoise dont j'ai ces jours-ci la hantise qu'elle suffise à mon bonheur, alors que j'ai tant de choses à faire, point intéressantes certes, mais dont la masse m'accable, et que je procrastine sans cesse. "Tout ce qui est supérieur est sans effort", répétait mon père - je crois que la phrase n'est pas exacte - elle n'est d'ailleurs pas de lui, et je ne sais de qui :  quoi qu'il en soit ce poison est en train de me plaquer à terre. Au fond, ces jours lumineux sont sinistres.

Ouf, la moitié des articles destinés aux prochains Cahiers de l'Indépendance sont corrigés : 13 sur 27, du moins. Mais quel labeur !

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Vendredi 3 juin deux mil onze. Mirebeau, sept heures du soir. - Hier très belle journée chez JL, dans l'étonnant domaine de Bois-Gibert où l'on vit littéralement au milieu des animaux : ânes du Poitou, autruches qui n'en sont certes pas, perroquets des îles, chats, canards de toutes les couleurs et de toutes les races, poules et poussins s'égayant de toutes parts au milieu des fontaines, des massifs et de la belle piscine en ardoise bleu nuit, où nous nous baignons en contemplant le jardin zoologique. Une sorte d'Eden-en-Poitou…

Décidément, sur le sujet du jour, soit les frasques sexuelles de nos princes dévergondés, ma religion est faite : Luc Ferry a beau dire que l'on ne peut à la fois accabler les journalistes qui se taisent et accabler ceux qui parlent, on a du mal à le suivre; il a beau répéter qu'il n' a fait que reprendre une information publiée par le Figaro-Magazine et passée inaperçue (y compris des magistrats qui aujourd'hui convoque le pauvre homme ); il a beau se défendre avec beaucoup de verve (hier au soir sur LCI, avec le sémillant Jacques Julliard) et mettre le doigt  sur les contradictions évidentes et lamentables du cirque médiatique, comme d'ailleurs de l'hypocrisie générale, on ne peut l'approuver. Comme disait Wittgenstein, certes dans un tout autre registre, "ce dont on ne peut parler, il faut le taire"…

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Samedi 4 juin deux mil onze; Mirebeau. - En définitive, il n'est pas très utile de lire la presse : on n'y fait plus que lire la confirmation de ce que l'on sait déjà. Ainsi, je lis dans Valeurs Actuelles (certes, cet hebdo s'améliore d'année en année) une enquête sur la justice américaine, en ce moment sur la sellette en France, et notamment un portrait de l'actuel procureur de New-York, Cyrus Vance Jr. : il nous est dit que, en 2009, celui-ci fit campagne (aux Etats-Unis, les magistrats du siège sont élus), sur un chiffre : 86 % des interpellations concerne des gens de couleur, pour lequel il demande le renforcement des actions spécifiques. Ce n'est donc pas une affaire d'intégration, à moins que ladite intégration ne demande des siècles, mais une affaire de classe, qui elle-même est liée aux origines, et à ce mélange des origines que de Gaulle jugeait impossible - cela, à plusieurs périodes de ses entretiens avec Peyrefitte. Mais cela, on le savait, et l'on savait même que ces chiffres sont couramment cités aux Etats-Unis, même par les candidats de gauche type Vance…

De même : Minute me consacre près d'une demi-page pour me reprocher sous le drôle de titre "fiel mon Coûteaux", d'avoir écrit dans ce journal (à croire que ce for intérieur est fort lu…) que les divers sarcasmes qui ont accueilli, dans ses colonnes, la motion d'orientation du RIF appelant à une large alliance des patriotes incluant (mais pas seulement) le FN, avaient sinon pour but sinon pour effet de compliquer encore ladite union - doutant avec insistance que le FN puisse "ratisser large", ce que j'estimais faire le miel de l'UMP. Bref, haro sur ladite (et toujours très hypothétique) alliance, et tir à vue sur les briseurs de murs. Mais cela aussi on le sait depuis toujours : le symbole du RIF est un pont, et quiconque avance bravement sur un pont se fait canarder de toutes parts. Rien de nouveau…

De même, je lis dans le Nouvel Observateur des extraits du livre -charge que Caroline Fourest et l'une de ses amies publient ces jours-ci contre Marine le Pen, dans lequel ces dames veulent absolument montrer que le Front National est toujours peuplé de nazillons : un signe en serait donné, par exemple, de ce qu'elles ont vu des militants de ce parti  porter des ceinturons dont la boucle serait en forme de H. H, comme Hitler, bien sûr, et même Heil Hitler ! Bref, Madame Fourest et consoeurs racontent à peu près n'importe quoi - mais cela aussi, on le savait…

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Dimanche 5 juin deux mil onze. Mirebeau. - Lectures en pagaille - je lis trop et n'écris que trop peu, sans doute; mas si je me suis cloîtré dans ces contrées perdues, n'est-ce pas pour lire tout mon soûl ? Lisant, donc, sur les recommandations de E., les délicieux entretiens de Paul Léautaud avec Robert Mallet (diffusés par le "poste national", ancêtre de France Culture, en 1950 et 1951), je tombe sur ceci, en réponse à la question de Mallet :
 " - Vous admirez ce sens religieux (celui de Gide), vous qui en êtes totalement dépourvu ?
   - Le sens religieux, il faut bien le dire, élève les hommes. Et la société politique d'aujourd'hui, tous ces groupes de francs-maçons qui abusent du mot "laïcité", non, non ! Ils m'écoeurent. Qu'est ce que ça peut leur faire qu'on croie ? Si ça soulage ?  Et ils se disent partisans de la liberté de pensée ! On devrait les forcer à aller à la messe pour leur faire perdre l'envie d'empêcher les autres d'y aller. Après les guerres, il y a toujours une recrudescence du sentiment religieux, chez les gens qui ont perdu un mari, un fils, etc… Eh bien, si ces gens trouvent une compensation dans une croyance religieuse - qui, pour moi est illusoire, pourquoi voulez vous les en priver ? (…) Vous savez, quand les gens craignent quelque chose de mystérieux et de surnaturel, s'ils ont une sale âme, ça peut les améliorer (…) Si ça sert à la fois à mourir plus sereinement et à rendre les gens meilleurs, c'est une bonne façon d'être utile".  J'ai toujours pensé que le pari de Pascal, déjà si fort en lui-même, serait plus imparable encore si, aux avantages que le joueur pourrait obtenir en gageant que Dieu existe, il ajoutait les avantages que la civilisation gagne elle même, immédiatement et de multiples manières. Mais la fonction civilisatrice de la foi, si évidente autour de nous, est toujours escamotée, tant par les croyants, qui ne veulent fonder la foi que sur la connaissance de Dieu, soit par les incroyants, qui la rejettent au motif qu'elle causerait des guerres et des violences de toutes sortes - alors qu'elle la limite tout au contraire. Les bénéfices séculiers de la religion pourrait presque la justifier seuls…  

Au Portugal, le Gouvernement Socratès tombe, mais cela non plus n'est pas une surprise: tous les gouvernements européens essuient à tour de rôle des échecs dès qu'une élection se présente. En fait, les peuples européens sont exaspérés et ne l'envoient pas dire, pour l'instant par la voie des urnes, ou, en proportion croissante, par la lourde bouderie abstentionniste : orages en perspective. D'ailleurs, les orages s'acculent cette année sur l'Europe en toc; c'est au point que l'autre jour, la commissaire grecque a lâché tout à trac qu'une sortie de la Grèce de  la zone euro était "à prendre en compte si le gouvernement d'Athènes, les partis politiques grecs et la société civile ne trouvaient pas d'accord sur des mesures d'austérité supplémentaires" . La Commissaire, une certaine Dame Damanaki,  affirme même, publiquement !, que  "le scénario de la sortie de la Grèce de l'euro est sur la table, ainsi que les moyens d'en sortir. Je suis obligée d'en parler ouvertement... Soit nous sommes d'accord avec nos créanciers sur un programme de sacrifices difficiles... soit nous retournons à la drachme". Après la capilotade définitive de la PESC, bel et bien morte cette année en Méditerranée, et les flageolements de Schengen, la déconfiture de la zone euro ferait plaisir à voir, si elle ne coûtait si cher aux peuples européens -même très cher aux Grecs, qui entrent dans une situation instable, parfois violente et s'appauvrissent, comme aux Irlandais, aux Portugais, aux Espagnols, en attendant les autres… Tout cela se déglingue à vue d'œil; cela aussi, on le savait et de longue date. Mais à quoi bon savoir, quand on ne peut plus rien ?

Publié dans Extraits du journal

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