Semaine 14 (du 4 au 10 avril)

Publié le par Paul-Marie Coûteaux

Lundi 4 avril. Paris. - Un vieil ami (du moins un ami de longue date), galeriste, gentiment de gauche, je veux dire de gauche comme tout le monde (érudit en histoire de l'art et en théologie mais guère lucide en politique), personnage que j'ai toujours connu très critique envers le FN, me dit : "Marine capte toute l'attention aujourd'hui, et même la mienne : je n'ai plus d'intérêt que pour ce qu'elle dit". Il va jusqu'à répéter de chiffres que j'ai en effet lus je ne sais où et qui l'indignent : lors des dernières élections cantonales, le FN a fait élire, avec 900 000 voix, deux conseillers tandis que le parti communiste obtint 300 000 voix mais 113 conseillers. J'ai beau lui répéter que ce n'est là que la conséquence normale du fait que le PCF a des alliés et pas le FN, que tout parti qui n'a pas d'allié ne peut rien et que le principal souci du FN devrait être d'en accepter et, si nécessaire d'en forger un, il s'entête et parle d'injustice.


Je n'aurais imaginé avoir jamais une telle conversation avec lui -l'humeur générale est décidément redevenue ces jours-ci très politique… Il est vrai qu'il ajoute une touche professionnelle en remarquant : "Elle a réussi un coup génial en s'identifiant à une couleur, le bleu-marine; là voilà ré-inscrite dans le spectre politique; maintenant, nous avons toutes les nuances de la palette, du bleu marine au rouge vif, en passant par le rose et le bleu pâle ". Note qui me fait penser à la très jeune fille entendue dans un train dire son amour pour Marine "parce que moi aussi j'aime beaucoup la mer, et j'aime le bleu". Curieux comme la politique aura toujours affaire avec les couleurs; qu'en penser ?

 

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Mardi 5 avril. Paris.- Installation du petit appartement la rue de Seine; même en chantier, il me paraît magnifique, avec ses deux grandes ouvertures sur la douce enfilade de la rue des beaux-Arts, l'Ecole des Beaux-Arts derrière laquelle, tout à l'heure, se couchait le soleil, et sur la droite, à deux minutes à pieds en contournant la Coupole, le petit pont des Beaux-Arts, d'où se découvre tout Paris, le côté Louvre, Tuileries, Invalides et Trocadéro, le côté Sainte Chapelle, Châtelet et Notre Dame, le doux Paris immobile, immuable et calme comme tenu au creux de la main… Pour l'heure, hélas, que de courses et de courses, de magasins et de magasins; de drames, oublis, pertes, livraisons manquées, exaspérations, petites victoires et petits plaisirs. On avance !

De bonnes personnes s'étonnent que je n'aie jamais encore fait mention, dans ce for intérieur, de l'intervention de la coalition franco-anglo-saxonne en Libye. C'est qu'elle est si bête, si dépourvue de sens politique, de tout bon sens même que, quand on aime la France, sa politique et sa vocation, on a honte. Honte au point que l'on se tait. (Je me tais donc : j'attends que l'évidente absurdité des interventions militaires maquillées en défense de la démocratie, et dans laquelle nous serons immanquablement entraînés bien au delà du point où nous voulions aller, si tant est que cette affaire fut un tant soit peu réfléchie et que nous voulions aller quelque part), j'attends que cette absurdité éclate à tous les yeux, et que l'on revienne une fois pour toutes de cette pure folie qu'est l'ingérence, dite humanitaire ou démocratique, pauvre produit de l'ignorance dans laquelle se trouve notre petit monde médiatico-politique des choses du monde et même de la politique : au fond de son inculture, et finalement de son incurable bêtise.

 

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Mercredi 6 avril. Paris. - De même n'ai-je jamais soufflé mot ici du, ou plutôt des drames japonais : tremblement de terre, tsunami, catastrophe nucléaire. La question est venue plusieurs fois sur le tapis lors de notre Libre Journal du mercredi sur "Courtoisie", mais point ici -il est vrai que je tiens ce journal avec une irrégularité croissante, ce à quoi, heureusement je crois avoir trouvé le moyen de remédier dès le mois prochain.

Actualité japonaise, donc : ici aussi tout est bien simple, simple et limpide comme une divine leçon de morale. La cupidité de l'humanité (du moins selon la surface qu'elle présente aujourd'hui, livrée aux multiples combinaisons du commerce et donc, entre autres calamités, à la consommation à outrance, à la production à outrance, à l'utilisation à outrance des possibilités qu'offrent la planète, finalement à la prédation perpétuelle), la plongera au long de ce siècle dans des affres qu'elle ne commence qu'à peine à entrevoir. Le miroir aux alouettes du commerce, et son corollaire, l'infernal cycle sur-production / sur-consommation  produira, et produit déjà trois drames majeurs :

Le plus grave tient non pas tant à la Nature tout court qu'à la nature humaine : le modèle commercial plaque perpétuellement l'esprit humain dans l'univers des choses, dans l'obsession nerveuse et décevante des marchandises, des prix et des calculs, finalement dans l'exigence obsédante et paniquée de la rentabilité maximale de toute activité. Or, cette exigence matérialiste est nettement moins constructrice que l'exigence morale, qu'elle érode d'ailleurs à mesure : la course sans fin où le meilleur de l'Homme, sa dimension verticale en un mot, se brise sans cesse sur la relance du désir, du plaisir vite satisfait et donc vite insatisfait, de la jalousie, de la rancœur, en un mot du "jouir sans entrave", l'aplatit comme un animal. Horizontalité universelle. Tous à plat ventre! Dans cet enfer de communications et de sonneries qui ne s'interrompt plus de l'aube à la nuit, où puiser l'air libre, le silence et la solitude au creux desquels peuvent éclore les joies de l'esprit, du coeur et de l'âme? De cet avilissement de l'humanité, qui consomme autant de richesses, de biens naturels, d'énergies qu'elle en trouve à exploiter, je vois partout autour de moi les stigmates sur les êtres (surtout quand je suis, comme ces jours-ci, à Paris (mais je crois comprendre que cela est pire dans les métropoles sur-développées d'Asie, notamment dans cette gigantesque conurbation qu'est devenue le Japon, où il semblait à mon frère, du temps qu'il y habitait, que rien ne dormait jamais, où la communion civique se faisait devant des consoles de jeux vidéos et autres jouets où le vieux peuple du "Soleil Levant" semble avoir englouti son antique sagesse, submergé qu'il paraît être, depuis Hiroshima, par l'"Occident" (en fait par les Etats-Unis, l'utilitarisme anglo-saxon étant la matrice de la submersion planétaire))). Partout se voit semblable et combien misérable prototype d'homo economicus :  untel dépense tout ce qu'il possède en fariboles, se plaint de manquer d'argent, puis s'use les nerfs, les neurones et le corps à en gagner de nouveau, sur quoi il dépense aussitôt ce qu'il a gagné et au delà, en sorte que tout le monde doit (notamment aux banques, inévitables maîtresses de ce monde), tout le monde est dépendant, tout le monde est surveillé. Tels autres se fâchent si l'on suggère d'éteindre la musique que nul n'écoute, ou d'éteindre un portable à table (c'est toujours nécessaire, toujours "obligé", Big Brother ne lâche jamais ses proies), ou d'éteindre les lumières en quittant un appartement, tout le monde étant finalement comme éduqué à la dépense -à l'énergie. Tel autre vous toise si l'on observe que prendre l'avion pour passer trois jours à Singapour n'est pas raisonnable. Et combien, dont un pichet d'eau étancherait la soif, éprouvent le besoin de commander au troquet une bouteille d'eau minérale ou, pire, de commander une bouteille de champagne sans raison, si ce n'est "qu'ils peuvent se la payer". Monde de bagnards s'agitant dans les cellules du commerce, si étroites et si basses de plafond, si basses ! Pris dans le tourbillon des possibles infinis, plongé dans l'infinie surenchère des vanités, et finalement incapable de s'apercevoir encore lui-même, l'Homme moderne pervertit la plus précieuse des natures, la sienne, cette nature humaine qui est la source du Bien, du Beau et du Bon, et la simple condition de toute vie vivable.

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Mercredi 6 avril suite -ou jeudi 7 avril, c'est selon , puisqu'il est deux heures du matin. Me voilà bien fatigué par les courses en ville, puis l'émission de Courtoisie, mais je voudrais tout de même finir ma longue entrée de ce jour sur les événements du Japon, ou plutôt sur la tyranie de l'organisation commerciale du monde et ses différents drames.

Il va sans dire, tant cela est dit, que la sur- consommation moderne, non seulement corrompt la nature de l'Homme, mais épuise aussi la Nature tout court, celle qui paraît extérieure à l'homme mais lui est sinon consubstantielle, du moins nécessaire. Passons, la chanson est partout connue et partout chantée, de parti écologique en politique écologique, sans que la structure même de la pensée dominante, je veux dire l'organisation de la prédation universelle en soit affectée -sinon pour trouver dans la bio-économie de nouvelles niches où faire son beurre. L'air, l'eau, les ressources les plus nécessaires où le prédateur contemporain est obligé d'inclure la production d'énergie qu'il éprouve chaque jour le besoin de brûler, quelquefois à bon escient, quelquefois pas, chacune des plus élémentaires richesses de la Création paraît corrompue, sinon épuisée. Le nucléaire et ses risques ne sont qu'une figure, et point la pire, de l'effrayant besoin moderne d'énergie. Energie ? Mais qui ne voit que, derrière ce monstrueux besoin d'énergie, c'est la mort qui règne en nous ? Car voilà bien le fin mot : toute dépendance tue; toutes nos dépendances finiront par des drames. Si l'énergie nucléaire est en effet nécessaire, ce que je crois, elle ne devrait plus être regardée qu'en tant qu'elle est un moyen d'indépendance, non point seulement vis-à-vis des producteurs des autres sources d'énergie, mais vis-à-vis du modèle lui-même de sur-consommation -en somme, pour pouvoir sortir de façon maîtrisée, autonome, rationnelle de son infernal enchaînement. J'entends les grondements des tsunamis et autres Tchernobyl comme l'avertissement naturel, et même le plus naturel du monde, que cette reconversion n'attendra pas éternellement…

Enfin, il est une troisième sorte de drames inscrits dans notre modèle de prétendu "développement" : la spirale des inégalités entre les nations qu'engendre inévitablement le matérialisme, l'utilitarisme, le consumérisme etc. Il est évident que, dans cette course, les êtres comme les nations, leurs traditions, leurs forces et ne serait-ce que leurs goûts ne sont pas égaux; ils sont même terriblement inégalitaires, et sources d'inégalités sans cesse accrues. Plus l'Humanité fait du commerce, et ce que l'on appelle le "libre commerce" sa règle, plus les modèles s'y fondent, plus les fossés se creusent. C'est le trompe l'œil terrible de la prétendue "mondialisation"; c'est le problème du Tiers-Monde, celui de la mort des cultures, celui de l'effrayante pauvreté des pauvres dans les pays pauvres, celui de l'immigration mondialiste, si néfaste aux immigrés, aux pays d'où ils viennent et aux pays où ils arrivent, et c'est aussi finalement celui du terrorisme -car je crois dur comme fer que la conception matérialiste de l'existence humaine accroît tant les inégalités que les plus démunis, qui se trouvent à la fois subvertis par son modèle et rejetés par lui, ces milliards de pauvres auxquels mille images donnent sans cesse autour d'eux et l'envie et la frustration du modèle inaccessible ne peuvent à la longue que devenir enragés, désespérés, et naturellement violents. Ne développons pas davantage, tant il y a à dire; mais je m'avise que ce dernier des trois types de drames qu'engendre la mondialisation marchande n'est peut-être pas le moindre - et que ce pourrait bien être le premier, bien devant que les centrales nucléaires, qui nous explose à la figure…
 
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Jeudi 7 avril. Paris, minuit. - Heure d'internet, comme l'habitude s'en instaure ces jours-ci  L'ennui (comme avec tous les plaisirs) c'est qu'on y passerait la nuit…

Les réactions à la motion d'orientation du RIF prônant l'Union des patriotes", que (certains nomment "l'Alliance nationale") se prolongent. Elles arrivent sous différentes formes, par cercles; on dirait une onde. Je recevais l'autre jour un joli message de l'ancien député-maire du 1er arrondissement de Paris, Michel Caldaguès, que je voudrais rencontrer; j'en ai reçu d'autres venus de responsables régionaux du MPF, fort instructifs -ce mouvement tient une Convention samedi prochain : "j'attends de voir", comme disait en toute occasion une amie de ma grand'mère, grande sceptique; et hier au soir, lors de notre Libre journal de "Courtoisie", c'est le Premier Secrétaire du Parti de l'In-nocence, Didier Bourjon, (parti dont le président est Renaud Camus), qui apportait son soutien à notre démarche. Cela tombe bien, car je suis de plus en plus enclin à soutenir de mon côté la candidature dudit Camus à la présidence de le République -du moins de prôner ce choix au sein du RIF. Pour l'heure, cette communion de "point de vue" me ravit; il est à peine besoin de dire qu'elle est même la plus précieuse qui soit.

Il faudra un jour faire un point sur les réactions à ladite motion du RIF sur l'"Alliance nationale"; mais c'est encore trop tôt. Je lisais tout à l'heure le commentaire très inspiré qu'en faisait un certain Malakine -du moins est ce le nom de son blogue. Tout est très bien vu, clair et d'autant appréciable que, venant de sphères chevènementistes (si j'ai bien compris, mais je ne me repère pas très bien sur la "Toile" et ne sais pas toujours "who is who"…), ledit sieur Malakine annonce in fine qu'il adhère au RIF. Une personne à voir -notamment pour lui dire qu'il se trompe tout de même sur un point : il parle du "faible écho" de notre démarche; or, d'écho à une motion du RIF, je n'attendais certes pas tant

(Aurais-je le temps de voir tout le monde ? Oui, justement; nous avons pris date suffisamment tôt pour que les étapes s'ordonnent à présent sans hâte…). 

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Vendredi 8 avril. Train Paris-Chatellerault. - Un de ces retours bénis du vendredi soir. Il fait chaud, la bousculade de la gare fut harassante, mais je suis sûr du moins que, dans un peu plus d'une heure, je fermerai derrière nous le lourd loquet du prieuré, il n'y aura plus que la sûreté du refuge, les hauts murs où la vigne aura poussé ses feuilles rouges, les odeurs de fleurs mêlés aux derniers pépiements d'oiseaux invisibles, et les pièces tamisées et fraîches, et les vases que Palmyre aura rempli de lilas bleus, et le chat dans nos jambes, et la chambre rangée, dans le silence bienheureux.

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Samedi 9 avril. Mirebeau. - Retour  d'autant plus agréable que j'aurai passé vingt jours d'affilée à Paris, dans une cavalcade dont je ne peux certes pas relater tous les aspects dans ce journal. Ah, je prends des risques de tous côtés ces jours-ci, et, comme on dit, sur tous les plans ! Mais ne nous dérobons pas aux entreprises : puisque nous sommes en vie, vivons…

En attendant, me voilà nez-à-nez avec soixante-treize courriels en retard; et je ne parle pas des courriers trouvés ce matin dans la boîte aux lettres, à peu près aussi nombreux. La journée y passera, si je commence à les lire, et les suivantes aussi. alors je picore et tombe, au beau milieu d'un long texte de l'ami Tisot, sur cette citation de Guitry que je lui pique sans vergogne : « Les Français sont des gens extraordinaires; malheureusement, ils ne sont que trois mille ».

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Dimanche 10 avril. Mirebeau.- Certes indirectement, Villiers répond à l'idée d'Alliance nationale; il le fait à sa manière,  infiniment plus subtile que celle de ce pauvre NDA. Citons le communiqué final de la Convention qu'il réunissait hier à Paris -après vingt mois de silence… "Le Mouvement Pour la France a fait partie du comité de liaison de la majorité présidentielle pour y porter les valeurs d'une droite nationale de conviction et pour en constituer l'aile souverainiste. Si, au cours des prochains mois, ces valeurs ne sont pas réaffirmées sans ambiguïté et si la composante souverainiste de la majorité n'est pas davantage prise en compte, nous ne pourrons plus, dans la perspective des échéances électorales de 2012, apporter notre soutien à Nicolas SARKOZY. Nous en tirerons alors toutes les conséquences.  Nous ne fermons aucune porte. Nous n'excluons aucune hypothèse. C'est l'élection présidentielle qui déterminera la future majorité présidentielle.  Tout reste à définir. Tout reste possible".

A la bonne heure !

Publié dans Extraits du journal

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