Semaine 36 (du 5 au 11 septembre)

Publié le par Paul-Marie Coûteaux

Lundi 5 septembre 2001 ;  Chabreville. - Si ce journal a connu un petit creux c'est que j'en ai connu un moi-même -petit creux qui a bien failli être nettement plus que "petit". L'angine éternelle s'est étendue, une otite vint m'enfiévrer d'un coup et peu à peu l'infection fut générale, au point que le thermomètre dépassa les 41°, qu'il fallut héler le SAMU et que, au CHU de Poitiers (une fois encore, attente exaspérante de plusieurs heures aux urgences, de plus en plus engorgées par diverses personnes accourues là au moindre bobo…), s'ajouta, au diagnostic de septicémie, une embolie

pulmonaire qui faillit m'être fatale -une fois encore, ce fut "moins une"… Voilà plusieurs fois que je glisse dans le Styx un bout de pied, et même un peu  plus; mais J'aime assez mourir et renaître -de toutes façons, on meurt souvent. De ces heures assez corsées, je garderais cependant un souvenir mitigé (alors que, en général, n'étaient les deux ou trois premiers jours généralement pénibles, je ne déteste pas les séjours à l'hôpital : on y écoute la radio, on lit, on rêve et l'on contemple…), s'ils n'avaient été de bout en bout accompagnés, et presque éclairés par le merveilleux dévouement de E..


Puisque Dieu me garde un instant encore dans sa lumière, il y eut ensuite de beaux jours - mais sans écriture. Une semaine de repos, auprès de l'adorable E., suivis d'une semaine de vacances, selon notre habituelle coutume de voyager en voitures, et courtes étapes : Chabreville, Saint Émilion et ses vignes resplendissantes, Toulouse et son bel hôtel, Foix, Millas pour voir Marine et Louis, Collioure où nous passâmes deux jours de grâce, enfin Cadaquès la blanche; retour par les Corbières inconnues et l'admirable abbaye justement nommée de Lagrasse, puis Carcassonne et sa nuit lourde,  Albi la rouge, l'étonnant pic de Cordes-en-ciel, Villeneuve dans le Rouergue, et Figeac en Quercy,  où nous fîmes de petites courses pour un pique nique, aux derniers rayons, près de Martel… En septembre, j'ai repris de Gaulle, assez sérieusement cette fois; mais ce fut plutôt la politique qui me reprit : Nice pour les universités d'été "Marine 2012", etc. vieille tenaille entre l'excitation politicaillante et le sacerdoce : du moins aller au bout, servir jusqu'au bout… Que l'on gagne ou perde, je serai délivré de tout : politiquement, j'aurai fait ce que j'ai pu, suivant depuis quinze ans quiconque aura brandi le drapeau de la souveraineté nationale et de la légitimité populaire : je ne pourrai rien faire de plus.


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Mercredi 7 septembre 2011; Mirebeau. - Retrouvailles des nombreux bonheurs de la maison. Ce matin, au premier soleil, grande cueillette de tomates dites "coeur de bœuf", dont je fais ces jours-ci une abondante consommation, accompagnées de cette amusante huile d'onagre que personne ne connaît, et parsemée de sarriette moulinée j'aime encore plus la Sarriette depuis que je sais que son mot prend deux r. 


 A propos de courriels, l'un d'eux, envoyé par le sagace Pierre G., m'alarme au point que je ne peux me retenir d'en retranscrire un extrait; François Hollande écrit, à l'occasion de la fin du Ramadan : "Ces jours-ci, nous célébrerons la grande fête de solidarité et de partage qu’est l’Aïd-al-Fitr. A l’issue du mois de jeûne du Ramadan, temps fort de joie, d’échange de vœux et de présents, elle illumine la vie et les demeures de millions de nos compatriotes de culture musulmane. Issue d’une longue tradition et porteuse de riches héritages culturels, par les valeurs qu’elle porte et l’idéal social qu’elle vise, elle s’inscrit pleinement dans cette démarche d’universalité.A nous tous, élus, citoyens, d’y œuvrer, pour reprendre les termes de Jaurès, par la probité de notre action, veillant à l’égalité devant la loi, aux droits et à la dignité de chacun. Alors seulement, toute la richesse culturelle de notre pays retrouvera sa place au cœur de notre société. Je souhaite, à chacune et à chacun, une très bonne fête de l’Aïd-al-Fitr.". Ouf ! Avec un simple mais solide bon sens, P.G. pose cette question : M. Hollande en a-t-il jamais dit autant à l'occasion de Pâques ? Aspect notable du maniement actuel de la laïcité, qui évacue de la vie politique les références chrétiennes, mais elles seules. 


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Jeudi 8 septembre 2011; Paris. Après plusieurs semaines sans la voir, je suis heureux de retrouver Paris, sa lumière déjà doucement automnale, ses rues et leurs passants, et, éclatante dès que j'ouvre ma porte, le ciselé de la tour nord de Saint Sulpice que l'on vient de rénover à grands frais, et grand soin; je pense en le voyant à ce que j'ai pensé l'autre soir en passant à bicyclette devant le couvent roman qui jouxte l'église Saint-André de Mirebeau, délabré il y a quatre ans encore et désormais rénové -les travaux s'achèvent, on entrevoit un très beau résultat-, je pense, donc, que la France ne veut pas mourir. Toutes ces rénovations sont autant de signes de cette vérité cachée par les surfaces de l'actuelle déroute… 


 Commencé un peu trop tard dans la soirée, après un rapide dîner avec B., la rédaction de mon allocution pour l'université d'été du FN, dite "journées Marine 2012", qui a lieu à Nice, où je pars demain -en train, décidément, qui me plait beaucoup plus que l'avion et qu'il est de toutes façons plus prudent de choisir après les mésaventures cardiologiques de cet été. Mais il me devient pénible d'écrire des discours, après en avoir tant mitonné pour tant d'autres; soit il y a trop de choses à dire, soit il suffirait de s'en tenir à la seule chose qui compte et qui emporte tout : tout s'effondre, à commencer par les équilibres financiers, désormais hors contrôle, collapse qui, sans une vigoureuse politique de réformes, de vraies réformes, pourrait proche en proche tout emporter. 


Pas de doute : la politique sort du ronron des trente ou quarante dernières années -que s'est-il passé depuis la fin de la guerre d'Algérie, mai 68 et la fin de l'aventure gaullienne ? Presque rien… On commence enfin à

sortir de la sortie de l'histoire. A suivre les affaires financières qui grondent à l'horizon, activité en ce moment passionnante, à regarder l'impuissance brouillonne et jacassière de nos prétendus "dirigeants", qui taxent un jour les parcs d'attraction puis, un vieux politicien s'étaient récrié, taxent en catastrophe les hôtels de luxe, et autres fariboles à trois sous sans rapport avec les mille quatre cent cinquante six milliards d'euros de notre dette, à voir ce misérable cirque politicien s'agitant au dessus du volcan, je me demande même si nous ne sommes pas à la veille d'un de ce délitements brutaux que l'on observe souvent dans l'histoire, au moins l'histoire de France, tel celui des années 1790, ou des années 1848, ou de la fin des années Trente, ou de la fin des années Cinquante. Qu'il s'agisse du Directoire, de la IIème, de la IIIème, de la IVème république, arrive toujours le moment où les petits maîtres se rendent compte qu'ils ne comprennent plus rien, ne contrôlent plus rien, et ne savent plus à qui remettre les clefs : ce fut le sabre de Buonaparte, comme en 1850 l'élection massive et stupéfiante de son neveu Louis-Napoléon; ce fut en 1940 l'irruption brutale et inattendue d'un vieux Maréchal  ou, en 1958 d'un divin Général que les pontes de la République en faillite ne savaient plus comment supplier de prendre le pouvoir -il n'eut pas grand peine à les faire lanterner quelques semaines et à poser ses conditions. Vient toujours un moment ou rien ne tient, et tout se cristallise autour d'un sauveur, homme ou femme -je crois bien que ce sera  cette fois une femme… 


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Vendredi 9 septembre 2011; Train Paris-Nice. - L'ennui que désormais m'inspirent les aéroports m'a découragé, hier au soir, de plonger dans l'épouvantable univers des "offres Air France" -ou d'autres compagnies surgissant de toutes parts sur internet; une fois encore, c'est un univers dont le secours de secrétaires m'a protégé depuis que j'ai des secrétaires, c'est à dire depuis 1984, soit vingt cinq ans : comment réussirai-je à m'en passer jamais ? Jamais, justement… 


J'ai donc choisi de prendre le train : 5h45, le plus long trajet que j'aie fait depuis longtemps; mais qui finalement se révèle un délice. Calme olympien ( trois personnes dans le wagon (dit-on encore wagon?, ou plutôt voiture ? voiture, je crois, exemple de francisation qui reste un signe de santé de la langue)); vues dégagées sur la campagne bourguignonne, puis celle de la vallée du Rhône, enfin, après Avignon, sur les paysages de Provence, dont les couleurs s'adoucissent aux derniers rayons : le voyage est parfait . D'autant heureux que je le mets à profit pour, outre rattraper le retard de ce journal, écrire noir sur blanc, contrairement à mon intention

initiale, le petit spiche que je dois faire demain devant l'université dite "Marine 2012" sur la langue française et autres considérations politiques d'actualité. Une fois encore, il faut procrastiner le pauvre de Gaulle inachevé -mon de Gaulle infini… 

Publié dans Extraits du journal

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